Témoignages

Chronique CoP-a-soup : créer un espace sécuritaire

Chronique CoP-a-soup : créer un espace sécuritaire

Au fil des communautés de pratique (CoP) coordonnées et partiellement animées par ses soins, Valérie Savoie a acquis de nombreuses connaissances en la matière et surtout beaucoup beaucoup d'expérience dans le domaine. C'est donc tout naturellement qu'une chronique des CoP est née. En voici le deuxième extrait. 

 

Dans l’univers dans lequel je navigue tous les jours (cf. celui-du mieux-être), l’idée de créer des espaces d’échanges sécuritaires (« safe space »), est hautement véhiculé, promu, mis de l’avant. Autant dans le monde du yoga (car j’enseigne aussi sur le tapis), que dans le monde du travail. Mes fils d’actualités et ma bouche sont remplis de discours réitérant l’importance du prendre soin, du droit à la parole, de l’écoute active, de la communication non-violente, de la curiosité, de l’expression libre de ses convictions, de la puissance des liens, de la capacité d’être soi-même…Un discours qui tombe probablement sur les nerfs de ceux qui sont pris dans le tourbillon du va-vite, mais qui résonne plus que jamais pour plusieurs.

Tanné-e-s de jouer un rôle, de refouler nos émotions, de porter un masque, qui nous amènent à répondre « ça va », « all good » quand on vit une mauvaise passe. Parce qu’on ne veut pas embêter les autres, causer des malaises, faire perdre du temps, ou pire, ressentir ce qui est présent et affronter la tempête pour la traverser. Les enjeux de santé mentale sont toujours à la hausse et il est temps d’admettre que nous avons besoin de nous soutenir mutuellement pour y faire face.  

Dans les milieux de travail, je note un appel à la gestion de proximité, entre gestionnaires et employé-e-s, la création d’espaces d’échanges, une attention portée à la place des discussions informelles. La notion d’espace sécuritaire ne peut être écarté de ces démarches. 

Définition : Espace sécuritaire  

Un environnement non menaçant axé sur le soutien, où tous-tes les participant-e-s peuvent se sentir à l’aise de s’exprimer et de raconter leurs expériences, sans crainte de discrimination ou de représailles. 

Définition : Communautés de pratique SMET

A pour objectif d’offrir des moments d’échanges pour des professionnel-le-s de divers milieux, ayant un intérêt commun envers la santé et le mieux-être au travail, afin d’apprendre les un-e-s des autres, collaborer, partager. On y met l'accent sur le caractère social et relationnel de la connaissance. Chaque personne de la communauté arrive avec son expérience, ses idées, qui font de lui un-e expert-e, au même titre que tous-tes les autres membres du groupe.  Le résultat n’est pas basé sur la littérature scientifique. Ce n'est pas LA solution, c'est NOTRE solution.  

Dans cette optique, vous comprenez que la notion d’espace sécuritaire est une condition sine qua non au succès de nos communautés de pratique SMET. Les gens doivent avoir l’élan de s’exprimer, devant des personnes qu’ils/elles ne connaissent que peu au départ, d’exposer leurs enjeux et défis, leur expérience, afin que nous puissions, en tant que groupe, évoluer, découvrir de nouvelles perspectives, se nourrir mutuellement, et ainsi repartir avec des idées, ressources et pratiques à tester dans nos milieux respectifs, pour rendre nos milieux de travail plus sains et humains. 

Notre modèle n’est pas parfait, mais je peux tout même vous partager certains éléments qui font que, malgré le roulement de participant-e-s dans les CoP (parce que nos CoP sont ouvertes en tout temps et la participation libre), nous réussissons généralement à créer ce climat d’ouverture.

Dès l’intégration dans le groupe, nous prenons soin d’expliquer le fonctionnement de notre communauté aux participant-e-s, et de s’assurer que chacun-e-s comprennent bien l’aspect participatif attendu dans ces rencontres. Une personne qui pense assister à une formation en sortira non-seulement déstabilisée, mais probablement insatisfaite.  

Chaque groupe est accompagné d’un-e guide. Cette personne-clé joue le rôle de facilitatrice dans les rencontres, place le cadre, dirige la rencontre et soutient les échanges. C’est aussi elle qui distribuera la parole, et qui pourra s’assurer que tous puissent s’exprimer, de façon équitable, tout en respectant l’aisance de chacun-e. Nos guides ont toutes une caractéristique commune, soit une approche bienveillante

Nous gardons toujours une place importante à l’ouverture de la séance. C’est ce qui donnera le ton pour la suite. Pour être en mesure de pleinement s’engager dans ce type de rencontre, il faut tout d’abord se donner le temps d’atterrir, de se ramener, de se rendre disponible. On peut le faire faire de diverses façons, soit par un tour de table, un exercice de connexion à soi, quelques respirations, ou un simple « comment ça va ». Le temps est précieux pour tout le monde, mais sauter cette partie affecterait la qualité de toute la séance. 

Le fait que les participant-e-s soient entouré-e-s de gens qu’ils/elles connaissent peu semble aider. C’est parfois plus facile de parler librement sans la présence de nos collègues ou de notre gestionnaire. Cet élément nous amène à l’importance de la confidentialité. Tout le groupe doit s’entendre sur le fait que les informations partagées doivent restées entres nous, sauf si autorisation de partage.  

On n’a pas la chance d’être en personne, parce que nos communautés sont étalées sur tout le territoire des régions couvertes. Mais, minimalement, nous prônons l’ouverture des caméras en tout temps, et gardons l’œil ouvert pour rappeler, au besoin, l’importance d’une écoute active et d’une pleine présence. Le non-verbal parle beaucoup, et il est tellement facile de s’extraire d’une discussion dans une rencontre virtuelle. 

Je constate que nos communautés de pratique qui fonctionnent le mieux et où les discussions sont les plus enrichissantes sont celles où ces éléments sont les mieux intégrés. C’est à travers ce cadre sécuritaire qu’une quarantaine d’agent-e-s de changement décident, tous les mois, de faire une place à leur agenda chargé pour venir à la rencontre d’allié-e-s. Je lève mon chapeau à ces personnes qui osent prendre le micro, et partagent de façon généreuse pour ajouter leur pierre à l’édifice. Notre savoir SMET grandit toujours plus, grâce à vous. 

 

Par Valérie Savoie


Référence

- CoP-a-soup fait référence à la série de livres « Bouillon de poulet pour l'âme », série populaire rassemblant ces récits inspirants et qui font du bien, tirés de la vie de gens ordinaires.

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