
POUR RÉDIGER CET ARTICLE, NOUS AVONS BÉNÉFICIÉ DU SOUTIEN ET DU PARTAGE DE CONNAISSANCES DE LA CHERCHEUSE MAHÉE GILBERT-OUIMET, DE L'UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À RIMOUSKI (UQAR).
Au cœur des défis contemporains en milieu professionnel se trouve un enjeu majeur : la surcharge de travail. Alors que les entreprises s'efforcent de rester compétitives dans un monde professionnel en constante évolution, les employé-e-s tendent à faire face à des exigences professionnelles qui s’intensifient et se complexifient. Dans cet article, nous aborderons les complexités de la charge de travail, explorant ses implications sur la santé du personnel, les performances professionnelles et la qualité de vie au travail. Nous examinerons aussi des stratégies pour établir un équilibre vital entre l'efficacité opérationnelle et le respect des limites individuelles.
La charge de travail se définit, selon la CNESST, comme « la quantité́ et la complexité́ des tâches à accomplir dans un contexte donné ». Lorsqu'elle devient excessive ou mal équilibrée, elle représente l'un des principaux risques psychosociaux du travail, pouvant compromettre la santé globale du personnel.
Statistiques
En matière de charge de travail, l’Enquête québécoise sur la santé de la population 2020-2021 révèle une charge de travail importante et une faible latitude décisionnelle plus fréquentes chez les femmes. En effet, près du tiers des personnes en emploi doivent composer avec un niveau élevé d’exigences psychologiques (charge de travail importante) avec 29% chez les hommes et 33% chez les femmes.
De plus, cette enquête montre également que les femmes du secteur de l’enseignement ou du milieu de la santé sont plus nombreuses en proportion à faire face à une charge de travail importante et à se sentir peu reconnues au travail.
En parallèle, selon Statistiques Canada, 21% des travailleurs-euses font face à des niveaux élevés ou très élevés de stress liés au travail, attribués principalement à la surcharge de travail et au déséquilibre entre la vie professionnelle et personnelle.
Enfin, une étude scientifique intitulée « Psychosocial working conditions and the utilization of health care services » révèle aussi que les dépenses en santé au sein des milieux de travail soumis à une culture de surperformance sont supérieures de 50 % à celles des autres organisations.
La surcharge de travail
Dans le contexte actuel, la surcharge de travail est un enjeu fréquent. La surcharge de travail se produit lorsque la quantité et/ou l'intensité des tâches demandés excède la capacité d’un individu à les accomplir dans le temps imparti.
Il convient de noter que la surcharge de travail ne se limite pas à la quantité de tâches et au nombre d'heures travaillées : une dimension subjective est également à considérer puisque la perception de la charge de travail peut varier d'un individu à l'autre. Comme l’indique l’INSPQ, il convient donc d’adopter une approche globale de la gestion de la charge du travail en tenant compte de différents éléments :
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La complexité du travail à accomplir ;
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Les ressources disponibles ;
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Les délais ;
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Les types de demandes (formelles et informelles) ;
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Les imprévus.
Pourquoi s'en soucier ?
Tel qu’évoqué, la surcharge de travail constitue un facteur de risque important pour la santé globale du personnel (physique, psychologique, sociale). En effet, il a été démontré qu'une charge de travail excessive peut engendrer différents problématiques.
Au niveau organisationnel :
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Hausse de l’absentéisme et du présentéisme ;
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Diminution de la productivité et de la qualité du travail.
Au niveau individuel :
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Du stress accru ;
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Des troubles musculosquelettiques ;
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Des maladies cardiovasculaires ;
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Des problèmes de santé mentale, y compris l'épuisement professionnel.
Quelles sont les causes principales ?
Les causes principales de la surcharge de travail peuvent être à la fois d’ordre organisationnel et individuel. Pour ne citer que quelques exemples d’un point de vue organisationnel :
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Quantité de travail excessive : lorsque la charge de travail dépasse les capacités raisonnables des employé-e-s, cela engendre une pression constante et des délais difficiles à respecter ;
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Directives imprécises ou absentes : l'absence de directives claires crée de l'incertitude et oblige les employé-e-s à naviguer à vue, ce qui peut entraîner des erreurs et des priorités mal définies ;
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Manque d'outils, de ressources ou de formation : ne pas disposer des ressources nécessaires pour accomplir les tâches mène à des inefficacités et à une frustration croissante ;
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Délais et attentes irréalistes : des délais trop courts ou des attentes démesurées augmentent la pression sur les employé-e-s, réduisant leur capacité à gérer efficacement leur travail ;
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Mauvaise répartition des tâches : une répartition inégale des responsabilités, souvent liée à une gestion inefficace des priorités, engendre une surcharge de travail pour certaines personnes ;
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Interruptions fréquentes : des interruptions constantes, qu'elles soient dues à des demandes non planifiées ou à un environnement de travail bruyant, perturbent la concentration et augmentent la charge mentale ;
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Manque d'effectifs ou de soutien : lorsque les équipes sont insuffisantes ou manquent de soutien, particulièrement pendant des périodes de forte demande, cela augmente le fardeau de travail pour les employé-e-s ;
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Périodes de forte demande : certaines périodes de l'année ou de l'organisation peuvent impliquer des pics de travail qui amplifient la surcharge ;
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Plusieurs changements organisationnels simultanés : la gestion de plusieurs changements ou réorganisations en même temps peut déstabiliser les employé-e-s et ajouter des couches de stress et d'incertitude.
Dans un ordre d’idées différent, certaines causes peuvent être davantage reliées à l’individu. Voici une liste d’exemples sur le plan individuel :
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Lacunes dans les compétences professionnelles : lorsque les employé-e-s n’ont pas les compétences nécessaires à la réalisation des tâches qui leur sont confiées, ils/elles peuvent se retrouver à travailler plus longtemps ou à demander un soutien supplémentaire ;
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Stratégies de gestion du temps ou des priorités à améliorer : des méthodes inefficaces pour organiser le travail ou gérer les priorités peuvent, dans certains cas, entraîner une mauvaise gestion de la charge de travail ;
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Tendance excessive au perfectionnisme : un désir de tout contrôler ou de ne jamais faire d'erreurs peut conduire à un surinvestissement de temps et d'énergie sur des tâches qui ne nécessitent pas autant de perfection ;
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Difficultés à déléguer ou à partager des tâches : l'incapacité à déléguer ou à demander de l'aide peut entraîner une surcharge de travail pour l'individu concerné ;
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Charge personnelle importante : des responsabilités familiales ou des engagements de proche-aidance peuvent réduire la capacité à se concentrer sur le travail, augmentant ainsi le stress ;
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Problèmes de santé : des problèmes de santé personnels, qu'ils soient physiques ou mentaux, peuvent diminuer l'énergie et la capacité de gestion du travail, aggravant la surcharge.
Ainsi, la surcharge de travail résulte souvent d’une combinaison de facteurs, ce qui nécessite des stratégies d’intervention à multiples niveaux pour être efficacement gérée.
Comment y faire face ?
Ce que l'organisation et les gestionnaires peuvent faire :
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Créer un climat de confiance et de sécurité psychologique afin de permettre aux employé-e-s de s'exprimer ouvertement sur le sujet
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Être disposé pour en parler (établir des moments de disponibilités si ce n'est pas le cas)
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Assurer la confidentialité
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Être à l'écoute, faire preuve de respect et d'empathie
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Définir clairement les rôles et les responsabilités de chacun-e ;
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Établir des priorités et des attentes claires ;
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Organiser des rencontres périodiques pour revoir les échéanciers en fonction des priorités ;
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Optimiser les outils de travail et les processus ;
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Implanter les changements organisationnels progressivement et impliquer les employé-e-s dans le processus de changement et dans les décisions qui les concernent ;
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Prioriser la formation et le développement de compétences des employé-e-s ;
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S'assurer que l'employé-e a les compétences et les habiletés nécessaires pour accomplir la tâche ;
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Planifier adéquatement les ressources (personnel, outils, compétences) pour chaque projet et réévaluer ces besoins régulièrement ;
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Répartir les tâches équitablement entre les membres de l'équipe.
Ce que l'individu peut faire :
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Identifier les tâches qui contribuent à la surcharge de travail ;
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Prioriser ses tâches, éliminer celles qui sont superflues et organiser son travail en conséquence (ex. utiliser des outils de gestions de tâches) ;
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Améliorer sa gestion du temps (ex. suivre la technique Pomodoro qui consiste à organiser des séances de travail sans interruption et les séparer par de courtes pauses) ;
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Communiquer ouvertement avec son supérieur afin de l'informer de la situation et collaborer pour revoir les priorités et trouver des solutions ;
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Lorsque possible, déléguer des tâches à d'autres membres de l'équipe ;
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Demander de l'aide à son supérieur ou ses collègues ;
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Fixer ses limites et apprendre à dire non ;
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Prendre soin de soi et adopter des comportements favorisant sa santé globale.
Nous vous invitons également à consulter le Répertoire des pratiques organisationnelles pour réduire les risques psychosociaux du travail de l’UQAR et l’ULaval pour compléter les pistes de solutions et actions concrètes à mettre en place pour prévenir un enjeu de surcharge de travail.
En conclusion, la charge de travail optimale diffère d'un individu à l'autre et peut dépendre de plusieurs facteurs organisationnels et personnels. Il est important de trouver cet équilibre, non seulement pour la saine performance de l'organisation, mais également pour la santé globale du personnel. En somme, l’atteinte d’une charge de travail équilibrée est une responsabilité partagée, à laquelle chacun-e peut contribuer, favorisant un épanouissement professionnel durable.
Pour en savoir plus, voici d'autres ressources que vous pouvez consulter en complément d'informations:
- Risques psychosociaux : quels sont les risques ciblés par la Loi modernisant le régime SST ?
- Risques psychosociaux : le harcèlement au travail
- Risques psychosociaux : la violence au travail
- Risques psychosociaux : la violence conjugale ou familiale au travail
- Risques psychosociaux : la violence à caractère sexuel au travail
- Risques psychosociaux : l’exposition à un événement potentiellement traumatique
- Risques psychosociaux : l'autonomie décisonnelle
- Risques psychosociaux : quels sont les risques « émergents » ?
- Information de base sur les RPS (Réseau de santé publique en santé au travail)
- Les risques psychosociaux, à vous de jouer! (INSPQ)
Sources :
- CNESST : la charge de travail
- INSPQ : la charge de travail
- Indeed : Comment gérer une surcharge de travail?
- Coulombe, C., & Breton, R. (25 avril 2023). "Surcharge de travail et harcèlement psychologique - Comment y faire face!" [Conférence]. Santé mentale au travail, événement les affaires, Montréal.
- ASSTSAS : La charge de travail, c’est une question d’équilibre
- Gilbert-Ouimet, M. (co-première auteure), Hervieux, V. (copremière auteure), Truchon, M., Bernard, G., Thibeault, J., et Lachapelle, É. (2024). Répertoire des pratiques organisationnelles pour réduire les risques psychosociaux du travail. Université du Québec à Rimouski, Université Laval