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Réagir et protéger face à la violence de la clientèle

Réagir et protéger face à la violence de la clientèle

Des injures verbales aux agressions physiques, en passant par l’intimidation ou les comportements menaçants, les actes de violence à l’égard des travailleurs-euses prennent une ampleur préoccupante au Québec. Si cette montée de la violence reflète un climat social plus tendu, elle n’épargne aucun secteur d’activité, ni aucune région. 

Cette réalité, encore trop souvent minimisée, peut parfois entraîner des lourdes conséquences : épuisement professionnel, absentéisme, détresse psychologique, perte de sens, et dans certains cas, désertion du milieu de travail. Il devient donc crucial de reconnaître cette problématique pour mieux y répondre, à la fois par des mesures préventives et des mécanismes de protection concrets.

Des réalités différentes, une problématique partagée

Dans le milieu de l’éducation, la violence devient parfois banalisée. Enseignant-e-s, éducateurs-trices spécialisé-e-s, personnel de soutien… tous-tes peuvent être exposé-e-s à des gestes violents ou des propos menaçants de la part d’élèves, mais aussi parfois de parents. Les actes peuvent aller de l’intimidation verbale à des agressions physiques. Malgré la gravité de certaines situations, des membres du personnel hésitent encore à faire des signalements, par crainte de représailles, par sentiment d’impuissance, ou simplement parce que la violence est perçue comme « faisant partie du travail ».

Dans le secteur de la santé, les professionnel-le-s font face à une clientèle vulnérable, parfois désorientée, souffrante ou en détresse aiguë. Les comportements violents peuvent provenir de patient-e-s atteint-e-s de troubles cognitifs, de douleurs chroniques ou de problèmes de santé mentale, mais aussi de familles dépassées ou frustrées par les délais ou les limites du système. À cela s’ajoutent parfois des tensions internes dans les équipes, exacerbées par la surcharge, le stress et les conditions de travail difficiles. Cette combinaison rend le climat encore plus fragile.

Du côté des services municipaux, les personnes professionnelles sont de plus en plus exposées à à des citoyen-ne-s en situation de précarité ou d’exclusion sociale, parfois en détresse ou en état de consommation. Ces interactions sont plus complexes à gérer, et les employé-e-s ne sont pas toujours formé-e-s pour y faire face.

Parmi les enjeux soulevés, notons également :

  • La culture de performance ;

  • La pénurie de personnel ;

  • La pression pour revenir rapidement au travail après un incident ;

  • Le stress chronique qui augmente les comportements impulsifs.

Outiller sans déresponsabiliser : un équilibre essentiel

Face à la montée des incivilités et des comportements hostiles, les milieux de travail doivent composer avec une double exigence : protéger leurs équipes, tout en reconnaissant les limites individuelles de chacun-e. Le tempérament, la capacité d’introspection, l’intelligence émotionnelle et l’expérience varient d’une personne à l’autre. Certain-e-s peuvent réagir de manière impulsive, d’autres adopter une posture défensive, parfois sans même en avoir pleinement conscience.

Dans ce contexte, il devient essentiel d’aborder les situations problématiques avec bienveillance et rigueur. Cela implique de s’appuyer sur des faits concrets, d’offrir des espaces de discussion, et de favoriser des prises de conscience individuelles et collectives :

« Qu’est-ce qu’on aurait pu faire différemment la prochaine fois ? »

C’est aussi reconnaître que l’employeur a un rôle central à jouer : il lui revient de créer un environnement de travail sécuritaire et de doter les équipes des outils nécessaires pour faire face, prévenir et se remettre des situations de violence.

Prévenir les comportements hostiles : repérer les signaux faibles

La prévention repose d’abord sur la capacité à identifier les facteurs de risque en amont. Quelques exemples concrets :

  • La tâche : Certaines interactions à haut potentiel conflictuel (ex. : annoncer une mauvaise nouvelle, refuser une demande) doivent être anticipées.

  • Le moment : Des périodes de l’année ou de la journée peuvent être plus propices aux tensions (ex. : fins de mois, début d’année scolaire, périodes de surcharge).

  • L’environnement : Un lieu mal éclairé, l’absence d’équipements de sécurité ou de zones de repli peuvent augmenter le sentiment d’insécurité.

  • L’état de la personne : Une clientèle en état d’intoxication, en détresse psychologique ou confrontée à des troubles cognitifs est plus à risque d’avoir des réactions imprévisibles.

Prendre un temps de recul, après coup, pour analyser les situations vécues permet souvent de mieux repérer ces facteurs à l’avenir, et d’ajuster les pratiques en conséquence.

L’approche pacifiante : trois piliers pour désamorcer une situation

Lorsque l’interaction devient tendue, certaines attitudes peuvent contribuer à désamorcer l’escalade. Voici trois piliers d’une approche pacifiante :

  1. Adopter une attitude accueillante : Créer un climat d’apaisement par une écoute attentive, un langage respectueux, un ton rassurant, un débit lent, un environnement calme.

  2. Éviter de devenir la cible : Rester neutre, faire preuve de patience, être à l’écoute des signes verbaux et non-verbaux, utiliser le reflet.

  3. Adopter une approche sécuritaire : Maintenir une distance physique sécuritaire (environ 2 mètres), bouger lentement, respecter l’espace personnel, éviter de prendre les propos de façon personnelle.

Pratiques à mettre en place : de la prévention à la postvention

Pour outiller les équipes, plusieurs mesures concrètes peuvent être envisagées :

  • Installer des boutons de panique, du plexiglas ou des caméras dans les zones sensibles ;

  • Aménager les espaces pour favoriser le calme, la visibilité et la sécurité ;

  • Offrir de la formation continue adaptée aux clientèles spécifiques (troubles cognitifs, santé mentale, crise émotionnelle, etc.) ;

  • Réfléchir au contrôle d’accès sur les lieux de travail ;

  • Mettre en place une politique claire en matière de gestion des comportements violents ;

  • Pratiquer la postvention : revenir sur les situations vécues pour en tirer des apprentissages ;

  • Faire évoluer le programme de formation à la lumière des incidents recensés ;

  • Offrir du soutien post-évènement (écoute active, validation des besoins, accès aux ressources en santé mentale) ;

  • Instaurer des initiatives de mentorat et de coaching pour favoriser les apprentissages collectifs.

Enfin, il est essentiel de normaliser le fait que les réactions parfaites n’existent pas. Aucune formation ne permet d’anticiper ou de maîtriser toutes les situations. C’est pourquoi il faut cultiver, au sein des milieux de travail, une culture de l’humilité, de la résilience et de l’amélioration continue.

Réagir à la violence ne doit jamais être une responsabilité individuelle laissée à elle-même : c’est une responsabilité partagée, qui repose sur des environnements sécuritaires, des pratiques conscientes, et un soutien réel aux personnes exposées.
 

 


Les idées et astuces partagées dans cet article proviennent d’une récente rencontre de communauté de pratique SMET. Pour en savoir plus ou pour participer à l'une de nos communautés de pratiques, nous vous invitons à consulter notre page web dédiée aux différentes communautés de pratique en région

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